L’écriture,
outil d’organisation de la pensée
Il ne suffit pas de capturer notre pensée et d’en inscrire des fragments sur des bouts de papier pour lui donner réellement sens.
La pensée créative n’est pas linéaire, mais procède par associations. La plus grande partie du temps, nos idées s’écoulent sans que nous y prêtions attention, en flux ininterrompu, sans relief, sans démarcation.
Notre pensée peut aussi se manifester sous la forme d’un nid de nœuds : embrouillée, touffue, indénouable à première vue. Nos pensées spontanées –, nos idées, nos interprétations, nos émotions – sont le fruit d’un épais bouillon composé d’une multitude d’aliments indiscernables que constituent les multiples expériences émotionnelles, sensorielles et intellectuelles que nous vivons au quotidien.
Les pensées qui émergent de cette cuisine expérimentale sont dues à la capacité d’absorption de nos sens, et donc à notre perméabilité inconsciente à tout ce qui nous entoure – nous sommes constamment assaillis de stimuli sensoriels –, mais aussi à notre vaste bagage cognitif – nos souvenirs, notre vécu, notre éducation, notre vie intellectuelle et mentale –, qui nous accompagne infailliblement et que nous alimentons à chaque instant.
Toutes ces expériences s’accumulent et s’agglomèrent dans notre esprit pour constituer notre vie mentale, dont il est presque impossible, au premier abord, de cerner les contours précisément et de délimiter chaque unité distincte.
Pourtant, nous savons qu’en focalisant notre attention sur une partie de cet imbroglio mental, nous pouvons commencer à le défaire. Nous pouvons tailler cette masse informe, y tracer des contours pour en dégager des unités cohérentes et exprimables. Car c’est bien là qu’est l’enjeu. Pour pouvoir exploiter notre matière mentale et l’exprimer, il faut pouvoir la saisir et la rendre intelligible.
Mettre en mots nos idées, les coucher sur le papier, leur donner une forme concrète et matérielle en les représentant sous forme de lignes tracées ou de sons organisés permet de décomposer les éléments qui habitent notre pensée à un instant précis et de les aligner pour former une succession d’unités de pensée distinctes plutôt qu’une masse informe et inintelligible.
Il faut tailler, éditer, réécrire ces bribes de pensée informes, cette suite d’idées décousues, pour arriver à cerner et à détailler une idée précise, une idée qui ait un sens et qui puisse être exprimée de façon unique.
Ainsi, en prêtant attention à notre flot de pensées quotidien et en nous efforçant d’en capturer certaines au vol, puis de leur donner une forme linéaire et structurée sur le papier, nous mettons de l’ordre dans notre chaos mental et lui donnons vie.
L’écriture est l’instrument d’organisation de notre vie mentale par excellence.
La pensée n’est pas seulement exprimée par les mots : elle vient à l’existence à travers les mots.